Dès 1919, elle fréquenta le milieu d'avant-garde de Prague où évoluaient Franz Kafka et Jaroslav Hasek, l'auteur du Brave Soldat Chveik. En 1921, elle peignit des tableaux abstraits, en réussissant à exprimer à travers l'abstraction une atmosphère de subtile angoisse. Après s'être liée en 1922 avec Styrsky, si étroitement que certains crurent qu'elle était sa compagne, elle fit partie du groupe Devetsil qui tenta d'opérer la synthèse des écoles nouvelles de cette époque, accomplissant ainsi l'action artistique la plus avancée en Tchécoslovaquie : Toyen exposa ses pre-mières oeuvres dans le cadre d'une manifestation de Devetsil en 1923. Elle fit des recherches variées, d'esprit ultramoderne, tantôt rivalisant avec l'ima-gerie populaire, tantôt évoquant à l'aide d'une tech-nique de coulures un univers craquelé et fissuré de toutes parts. Elle contribua à fonder en 1933 le sur-réalisme tchécoslovaque, et créa désormais des images insolites et envoûtantes, comme Horizon (1937, Rio de Janeiro, Museo de Arte Moderno) où quatre têtes de femmes, jaillies du sol, regardent au loin. Elle a fait sa plus grande exposition à Prague en 1938, année où fut publiée une monographie sur son oeuvre et celle de Styrsky, avec des textes de Karel Teige et Vitezslav Nezval. Pendant l'occupa-tion nazie, inscrite sur la liste des intellectuels à qui toute activité publique était interdite, elle peignit dans la clandestinité les tableaux qu'elle exposa à Prague en 1945 et à Paris chez Denise René en 1947, confirmant ici et là le développement de son style, parvenu à un degré d'originalité où il s'est toujours maintenu. Une empreinte de loup qui s'anime sur un mur (Au château La Coste, 1946), une femme sans tête ou dont la robe entrouverte révèle qu'elle n'a pas de corps, des silhouettes fantomatiques, des animaux furtifs, tous ces thèmes lui servent à dis-tiller l'effroi comme en des contes d'épouvante. Toyen choisit en 1948 de s'installer définitivement à Paris, où elle a vécu à l'ombre d'André Breton qui avait pour elle la plus haute estime. Elle a composé d'admi-rables albums de dessins, Les Spectres du désert (1939), Le Tir (1939-1940), Cache-toi, guerre (1944) et un recueil de pointes-sèches, Ni ailes ni pierres. ailes et pierres (1954). À cause de l'effacement de Toyen, qui n'a montré ses tableaux que de loin en loin, dans des expositions surréalistes ou au Salon de Mai, son oeuvre n'a pas encore acquis la place qu'elle mérite. On verra un jour qu'il s'agit d'un peintre de très grande importance, que tous les amateurs de l'avant-garde authentique se doivent de chérir. 

À sa rétrospective au centre Georges-Pompidou en 1982, on associa une rétrospective de Jindrich Styrsky (car on les exposait autrefois toujours ensemble, tant à Prague qu'à Paris) et une rétrospective de Jindrich Heisler. Sa première exposition à Prague depuis son exil eut lieu en 2000 à la Prague City Gallery, et fit l'objet d'un catalogue de quatre cents pages avec trois cent cinquante reproductions en couleurs.

Marie Germinova (Toyen)

Née en 1902 à Prague, morte en 1980 à Paris. 

The Dangerous Hour, Huile sur toile, 1942