Orphelin à huit ans, il fut recueilli par une tante qui était marchande de fruits à Mexico. Elle l'obligea à faire des études de commerce, mais il fréquenta en même temps l'école d'art de San Carlos. En 1921, il trouva un travail au musée d'Anthropologie, où il deviendra chef de la section des dessins ethno-graphiques. Comptant parmi ses aïeux des Indiens zapotèques, Tamayo se plut à dessiner pour les archives du musée des objets d'art populaire remon-tant à la période préhispanique du Mexique. Il fit sa première exposition à Mexico en 1926 dans une bou-tique désaffectée de la rue Madeiro. En 1933, il reçut la commande d'une fresque pour la cour intérieure du Conservatoire de Musique de Mexico. Soutenu et encouragé par sa femme Olga, qu'il épousa en 1934, Tamayo obtint en 1938 un poste de profes-seur à l'École Dalton de New York, maison d'édu-cation pour jeunes filles. Dès lors il résidera aux États-Unis pendant les années scolaires, et au Mexique lors de ses vacances d'été. Sa peinture s'enrichit lors-qu'il eut visité la grande exposition Picasso au Museum of Modern Art de New York en 1939. Jusqu'alors il peignait des figures figées, des visages pareils à des masques ; il évoluera du statique au dynamique. Il a dit lui-même qu'après une période où il étudia « la forme des choses en soi », il s'est intéressé à « la forme nouvelle qu'elles revêtent lorsqu'elles sont en mouvement ». Il en a conclu : « Il ne s'agit pas de représenter les choses, mais leur action. » En 1948, il eut une rétrospective au Palais des Beaux-Arts de Mexico, où on lui demanda de réaliser deux peintures murales, Naissance d'une nationalité et Le Mexique aujourd'hui. Décidant de s'installer de nouveau au Mexique, il acheta une vieille maison dans le quartier de Coyoacàn, et la restaura. Son ami José Gomez Sicre l'y vit ainsi : «En véritable Indien, c'est un être replié sur lui-même et qui parle peu. En dehors de la peinture, sa grande passion dans la vie est la sculpture précolombienne. »


En 1949 et 1950, Tamayo fit son premier voyage en Europe, exposa à Paris, à Bruxelles, à Rome et remporta un grand succès à la Biennale de Venise. André Breton s'enthousiasma pour lui et lui assigna sa place dans le surréalisme : « Rien, à ce point, ne donne la première fois la sensation de jamais vu. Rien ne s'ordonne, émotionnellement, mieux ensuite, en vue de fêter l'instant - dans toute sa palpitation... Les touches de Tamayo me font penser aux ailes de ces papillons du genre sphinx dont certaines espèces arborent ses couleurs. » Breton inclut cette peinture dans le surréalisme parce qu'elle était une transmis-sion de l'inconscient collectif. Tamayo était possédé par l'esprit de la civilisation tarasque, qu'il acclima-tait dans la technique de l'art moderne. Il a peint des fresques en utilisant une peinture à base de vinylite permettant de couvrir de grandes surfaces parce qu'elle sèche presque instantanément. Celle de la bibliothèque de Porto-Rico, en 1956, sur le thème de « Prométhée apportant le feu aux hommes », a été comparée par lui à « un volcan sombre en érup-tion ». Sa fresque pour une banque de Houston, America, exprima le mélange des cultures indiennes et blanches. Le rapport de l'homme et du cosmos est omniprésent dans ses tableaux, tantôt sous la forme la plus simple, en représentant des amoureux regardant le ciel, des oiseaux signifiant « la poésie du vol », des Femmes saisissant la lune (1946, musée de Cleveland), tantôt en symbolisant l'angoisse méta-physique (Terreur cosmique, 1954, Mexico, Museo de Arte moderno ; La Grande Galaxie, 1978, Mexico, Muse() Rufino Tamayo). Sa carrière fut une suite de succès, mais il eut la générosité d'en faire profiter les autres. En 1974, il fit don à sa ville natale de Oaxaca de mille trois cents sculptures indiennes pour y fon-der un musée d'Art précolombien. Il inaugura en mai 1981, au parc Chapultepec de Mexico, le Museo Contemporeano Internacional Rufino Tamayo, conte-nant sa collection d'ceuvres de cent soixante-huit artistes et un grand nombre de ses peintures. Octavio Paz a dit pourquoi Tamayo lui semblait surréaliste : «En regardant ses tableaux nous n'assistons pas à la révélation d'un secret nous participons au secret que constitue toute révélation. »


Rufino Tamayo

Né en 1899 à Oaxaca, mort en 1991 à Mexico. 

Lion and Horse, Huile sur toile, 1942