Il commença en 1929 ses études d'architecture à la section des Beaux-Arts de l'Université catholique de Santiago. Ayant obtenu son diplôme en 1931, il se rendit en Europe, travailla en 1934 à Paris dans l'atelier de Le Corbusier, qui le fit participer aux plans de la Ville radieuse. Il séjourna ensuite en Espagne, où il se lia avec Federico Garda Lorca ; celui-ci lui donna une lettre de recommandation pour Dalf. Quand Matta revint à Paris en 1938, il entra en contact avec le groupe surréaliste, et peignit ses premiers tableaux, la série des Morphologies psychologiques. Il émigra aux États-Unis en 1939, collabora à l'acti-vité des surréalistes en exil à New York, subissant l'influence de Marcel Duchamp ; lors d'un voyage au Mexique, il peignit une « symphonie cosmique », La Terre est un homme (1942), point de départ de ses recherches d'un nouvel espace, qui atteindront leur point culminant avec Le Vertige d'Eros (1944, New York, Museum of Modem Art). Matta se composa toute une mythologie et une cosmogonie, mettant en scène des êtres persécutés-persécuteurs dans un univers en délire. De 1950 à 1955, installé à Rome, il fit évoluer sa peinture en fonction de ses préoccu-pations sociales et de ses lectures. Ensuite, après avoir résidé quelque temps à Paris, il se fixera dans la région parisienne, à Boissy-sans-Avoir. Matta, tout en restant farouchement surréaliste, a voulu exprimer son engagement politique, protester contre « les oeillères, les habitudes glorifiées, les liber-ticides ». Il a peint de grands tableaux-pamphlets comme La Banale de Venise (1956), ridiculisant la Biennale de Venise, ou Cina Cita (1963), tournant en dérision le milieu cinématographique italien. li a créé des triptyques et des polyptyques sur des thèmes progressistes. Évoquant l'épopée de l'humanité dans L'Espace de l'espèce (1959-1967), il a dénoncé la guerre au Vietnam et les bombardements au napalm dans Sur l'État de l'Union (1964-1965, Paris, galerie lolas) et Bum Baby Burn (1965-1966). Un voyage enthou-siaste à Cuba lui inspira la série Cuba frutto bomba qu'il présenta à Rome et à Paris. Il a mis au point une « hyper-technique » permettant de réaliser en quelques heures de vastes compositions révolutionnaires, dont il montra quelques spécimens dans son exposition « Être avec » au musée de Saint-Denis en 1967.


L'ambition démesurée de Matta le conduisit à faire de gigantesques fresques, comme les six toiles de vingt mètres de long qu'il exposa au musée d'Art moderne de Mexico en 1975 sur le thème du « Grand Abolitionniste ». Il récidiva au Palazzo del Popolo de Todi en 1984 avec des tableaux de dix mètres de long, comme Coïgitum. Cette tendance au gigan-tisme lui a fait commettre ses oeuvres les moins inté-ressantes, mais elle s'explique par sa volonté de faire un art cosmique. Pour sa rétrospective au centre Georges-Pompidou en 1985, Matta fit cette recom-mandation: « Il faut présenter les tableaux comme des cartographies de la nature humaine et de ses énergies. » Sa dernière exposition, en avril 2000 à la galerie Claude Bernard, « L'Année des trois 000 », attesta la permanence de ses obsessions dans ses petits tableaux réalisés à quatre-vingt-neuf ans.« Je ne suis pas un peintre, je suis un montreur » préten-dait Matta, qui a su montrer aussi bien des aspects du microcosme que du macrocosme.

Roberto Sebastian Matta Echauren

Né en 1911 à Santiago du Chili, mort en 2002 à Civitavecchia, Italie.

Abstraction, c. 1940