Sur la couverture de ses Points de repère en 1968, il dit qu'il s'opposa à son père journaliste qui vou-lait qu'il fût ingénieur ou avocat. Il y relate qu'à six ans il exécuta ses premières caricatures ; qu'a neuf et dix ans il eut des crises de somnambulisme qu'à douze ans il s'essaya au dessin humoristique macabre ; et qu'a seize ans il décida d'être peintre. Avec son camarade de classe Artür Harfaux, photographe, il se rendit à Paris en 1927 où ils se joignirent à René Daumal et à Roger Gilbert-Lecomte pour fonder la revue Le Grand Jeu, dont le numéro 1 contint son manifeste Nécessité de la révolte, qui se termine par ce défi J'offre mes victimes en holocauste à ma liberté. » Ses victimes, c'étaient dans ses des-sins de cette période le personnage de Sa main est morte (ayant à la place de la tête un bras tordu ten-dant la main) ou la femme nue stigmatisée de Je suis à toi sortant d'un sarcophage. Sa réponse à la ques-tion : Le suicide est-il une solution ?, en 1929, fut un pendu dressé verticalement au-dessus de la potence, au lieu de pendre au-dessous. Après la dissolution du Grand Jeu en 1932, Maurice Henry adhéra à l'Association des Écrivains et des Artistes révolution-naires, où il se lia avec les surréalistes, qu'il suivit quand ils la quittèrent. Il publia deux poèmes (Ce que tu voudras et Terre-Terre) illustrés d'un dessin (une femme couchée dans un lit à baldaquin sur une plage) dans Le Surréalisme au service de la révolution (n° 5,15 mai 1933).11 participa dans l'ate-lier d'André Breton, en février et en mars 1933, aux « Recherches expérimentales sur la connaissance irrationnelle de l'objet ». Ses réponses auxq ues-tions sur l'emploi d'un morceau de velours rose ou sur les possibilités de vie en 490 (date tirée au hasard) furent non moins singulières que celles de ses nouveaux amis (de Benjamin Péret à René Char). À partir de 1937, pour gagner sa vie, Maurice Henry devint un fécond caricaturiste, sans cesser de fré-quenter les surréalistes et de signer leurs tracts contestataires. De tous les grands dessinateurs sati-riques français, Maurice Henry fut le seul à avoir proposé des images surréalistes aux lecteurs de journaux. Ses caricatures, au lieu de commenter l'actualité politique, illustraient des situations rêvées, mi-burlesques mi-poétiques. Par exemple, il mon-trait un homme en chemise de nuit au sommet d'une montagne disant à un autre en pyjama sur un nuage : « Je crois que nous nous sommes déjà rencontrés dans un autre rêve. » Dès son retour des États-Unis en 1946, André Breton avoua qu'il se plaisait à contempler ses dessins dans Combat : « L'idée-image surréaliste, dans toute sa fraîcheur originelle, pour moi continue à se découvrir en Maurice Henry chaque fois qu'un matin encore mal éveillé m'apporte la primeur d'un de ses dessins dans le journal. » En trente-huit ans, Maurice Henry fit environ 26 000 dessins dans 350 journaux (selon sa propre estimation) et fut le gagman de 16 films comiques, le scénariste de quelques autres (comme Les Aventures du baron de Crac). Sa réputation d'amuseur finit par lui être importune. En 1960, se lassant des rondeurs graciles de ses dessins d'humo-riste, Maurice Henry usa de l'automatisme pour aller « vers l'aigu, le pointu, l'anguleux, la géométrie, la construction architecturale, mais en toute liberté ». Ionesco trouva que ces oeuvres exprimaient « le monde du danger qui pèse sur nous », et y vit « un univers inhumain, provenant de planètes inconnues, hérissé, debout, implacable ». Dans les années 70, Maurice Henry fit des peintures acryliques repré-sentant des êtres hybrides, couvrit de bandages des objets (revolver téléphone), rappelant le vio-lon entouré de pansements de son Hommage à Paganini de 1936. Il commença en 1975 « un journal  intime, extrêmement intime, traduit en images », sous forme d'aquarelles interprétées : «Je m'impo-sai d'improviser chaque soir un fond noyé d'eau, un peu au hasard du pinceau et des séductions de ma boîte à malices. Dès qu'il était sec, cet ensemble de coulures et de nuages plus ou moins fondus me laissait deviner des contours et des figures abso-lument imprévus que je cernais rapidement d'un fin trait de plume. » Il appela cette série d'aquarelles « l'humeur du jour », et donna un titre à chacune d'elles : Le Mécanisme sexuel, Les Jouets de l'ado-lescence, Quelques regards, Couple suspendu, Paysage d'hier pour demain, etc. Cet humoriste gra-phique aux trouvailles délicieuses, dès qu'il renonça à collaborer à la presse, s'efforça de prouver qu'il était aussi un peintre curieux. Sa rétrospective post-hume à la galerie 1900-2000, au printemps 1998, ne comporta d'ailleurs que ses peintures, ses collages, ses objets, ses livres et ses dessins de création, non destinés aux journaux, comme Rencontre d'un cen-drier et d'un géographe. 

Maurice Henry

Né en 1907 à Cambrai, mort en 1984 à Milan. 

L'Inconnue, Acrylique sur toile, 1974