Ce fut après avoir publié un recueil de poèmes sur-réalistes, Au Puits de l'ermite (1959), que Jean-Claude Silbermann commença à peindre, en1962.1Ifit d'abord des tableaux de petit format, puis il évolua bientôt en créant des « enseignes sournoises », dont son ami Alain Joubert a donné cette définition : « images peintes automatiques découpées dans le bois, et flottant sur le mur, comme en rupture de cadre ». Ces panneaux morcelés en contreplaqué étaient des enseignes inventées pour des boutiques qui n'existaient pas, mais qu'il aurait souhaité voir naître. Leurs titres pittoresques - Au Plaisir des demoiselles, Le Peigne de Jacob, La Maison du passeur, etc. - n'étaient jamais explicatifs, mais laissaient seulement deviner quelles marchandises les échoppes portant ces noms devaient y vendre.


Sa première exposition en 1964 (Paris, galerie Mona Lisa) fut préfacée par André Breton qui souligna que son inspiration se tenait au carrefour de trois routes : la poésie, la liberté, l'amour. Silbermann participa activement à l'Exposition internationale du surréalisme de 1965 à la galerie L'CEil, « L'Écart absolu », où il exposa Sauve qui peut, « projet d'ex-voto pour un pilleur d'épaves ». Il réalisa le totem central de cette exposition, Le Consommateur, ainsi décrit par Philippe Audouin : « une sorte d'épou-vantail de quatre mètres de haut, aux bras écartés, fait d'un monstrueux matelas rose, parfaitement bordé, ourlé, capitonné. Une sirène d'alerte lui tenait lieu de tête. Sa gidouille abritait une machine à laver à hublot qui brassait, par intervalles, des journaux. Dans son dos s'ouvrait un réfrigérateur d'où s'échappait un voile de mariée. » Il avait organisé et supervisé cette oeuvre collective, tournant en dérision la société de consommation, et rendait d'autant plus absurde ce Consommateur qu'il en faisait sortir des appels incompréhensibles de radio-taxis. Jean-Claude Silbermann fut un des signataires du manifeste Pour un demain joueur, le 10 mai 1967, paraissant dans L'Archibras, la revue fondée après la mort d'André Breton par ses derniers disciples, et qui fit paraître sept numéros jusqu'en 1969. Il s'agis-sait là d'une « résolution intérieure » du comité de rédaction, s'engageant à empêcher la formation des poncifs et des dogmes dans le surréalisme. C'est dans cet esprit que Silbermann a continué par la suite à composer des dessins, des gravures et des objets.


Le catalogue de son exposition à la galerie Chave de Vence en 1984 permet d'apprécier son évolu-tion. Dans sa conversation avec Jean Schuster, repro-duite dans Opus international (avril-mai 1991), Silbermann a déclaré : «Je n'ai pas d'idée, quand je commence à travailler.., mais finalement.., il arrive un moment où je m'interroge sur le sens de ce travail, ce qu'il veut dire. Tant que je ne m'interroge pas, le moi est éliminé. » C'est surtout en dessinant qu'il s'est donné du plaisir, « le plaisir de la décou-verte, de la trouvaille ». À propos de son grand tableau symbolique de 1988, Le Oui des femmes (et pour commencer le Oui des hommes), il avoua : «Il m'arrive de peindre contre moi sans plaisir, avec de la peur même. Il m'arrive de peindre par devoir de vérité. Le surmoi se ligue parfois avec des forces profondes, afin de préserver l'expression de la sub-jectivité la plus lointaine, si déplaisante puisse-t-elle me paraître.»


Jean-Claude Silbermann

Né en 1935 à Boulogne-Billancourt. 

Babil Babylone, Une installation composée de 50 éléments peints en acrylique, 2006