Enfant, il voulait faire des tableaux naturels, comme il le raconta dans On my way : « Un jour j'essayais de peindre sur la vitre un ciel bleu sous les maisons que j'apercevais à travers la fenêtre... Une autre fois je fixais un cadre dans une petite cabane en bois et sciais une ouverture derrière ce cadre. On apercevait alors un paysage charmant animé d'hommes et de bestiaux. » Cet homme qui fut la fantaisie même et réussit à créer un art sans art, expression spontanée de la vie, s'est donné une formation technique très poussée, de 1904 à 1908, aux Écoles des arts décoratifs de Strasbourg et de Weimar, et à l'Académie Julian de Paris. En 1915, il fit la connaissance à Zurich de Sophie Taeuber, qui deviendra sa femme, et il réalisèrent ensemble des tapisseries, des broderies et des papiers collés. Ils firent même des duos-dessins en fermant les yeux. Dans la même ville, il fut un des fondateurs de Dada, qu'il illustra par ses bois gravés, par ses objets d'une cocasserie irrésistible comme la Bouteille à nombril, « un monstrueux ustensile de ménage, dans lequel s'accouplaient bicyclette, serpent de mer, soutien-gorge, cuillère à Pernod », et par des collages comme les Fatagaga exécutés en 1920 avec Max Ernst à Cologne. Il revint en 1925 à Paris, où il vécut un an dans un atelier rue Tourlaque, puis il s'installa définitivement à Meudon. Ses reliefs en carton ou en bois peint de cette époque ne sont pas de la sculpture, mais des essais de peinture concrète. Il disait d'ailleurs qu'entre ses reliefs et ses collages il n'y avait « qu'une différence d'épaisseur ». Il inventa le genre des « papiers déchirés », qu'il exposa en 1931 chez Jeanne Bucher, en prétendant qu'une feuille dessinée valait mieux quand elle était déchirée, puis réunie au gré du hasard : « En déchirant un papier ou un dessin, on y fait entrer ce qui est l'essence même de la vie et de la mort. » Dans sa période d'activité purement surréaliste, Arp usa d'un répertoire de formes élémentaires : oeuf, tête humaine, coquille, cloche, horloge, ondes, etc. Dès ses premières sculptures en ronde-bosse, les « Concrétions », Arp, sans renier le surréalisme, participa en même temps au mouvement Abstraction Création. Il ne fut abstrait qu'en apparence, car il créait souvent les yeux fermés : « Il suffit de baisser les paupières, et le rythme intérieur passe dans la main avec plus de pureté. » En 1942, il se réfugia en Suisse où Sophie Taeuber mourut peu après, et ne retourna à Meudon qu'en 1946. H a obtenu le grand prix de sculpture à la Biennale de Venise en 1954, et a entrepris des œuvres monumentales pour des édifices publics, comme son Berger de Nuages pour la Cité universitaire de Caracas (1953), ses Reliefs pour le secrétariat de l'Unesco à Paris (1957) et la Technische Hochschule de Brunswick (1960), sa Coupe des Nuages pour la bibliothèque de l'université de Bonn (1961), ses Stèles et ses Murs en ciment pour l'École des arts appliqués de Bâle (1961). Il se défendait d'être devenu exclusivement sculpteur, en affirmant de toute son œuvre en trois dimensions : « C'est de la poésie faite avec les moyens plastiques. » Ses poèmes, ses contes et ses écrits autobiographiques ont été rassemblés sous le titre de Jours effeuillés (Gallimard, 1966). 

Jean (Hans) Arp

Né en 1886 à Strasbourg, mort en 1966 à Bâle. 

Bouteille et moustache, Painted Relief on Board, 1926