En 1951, à Saint-Germain-des-Prés, il écrivait des poèmes et dessinait des maisons fantômes dans des villes mortes. Résidant pendant un an au Maroc, en 1953, il y fit ses premiers tableaux visionnaires, comme La mécanique mange les maisons ; à Londres, où il trouva une chambre en 1954, il peignit Angoisse-palace et L'Amour au bordel populaire. De retour à Paris, il montra ses oeuvres à Gaston Bachelard, qui reconnut qu'elles étaient pour un philosophe « les germes de rêveries infinies », et qui présenta en 1957 l'exposition de Le Maréchal chez Éric Losfeld en disant : « Les villes de Le Maréchal sont construites sur des tremblements de terre. » Ce peintre insurgé contre la réalité des technocrates poursuivit son oeuvre dans le secret, réalisant de grands tableaux sur bois à l'huile et à l'oeuf, auxquels il attribuait des titres proclamatoires. Celui-ci, par exemple : Le temps se retourne monté sur le signe de l'infini Pas de Jugement (1959). Persuadé que « l'amour de la grande monnaie fait éclater les rêves », il s'attaquait au capi-talisme que symbolisait la Bourse. Son exposition chez Raymond Cordier, en novembre 1960, conte-nant Le Triomphe de l'avidité temporelle (1960) et Le Groom de la fabrique, grand vainqueur de la guerre et grand responsable des guerres du futur (1960), fut préfacée par André Breton. Ensuite, Le Maréchal étudia la gravure sur cuivre avec Dolf Reiser, et mania l'eau-forte si fougueusement qu'on le compara au graveur romantique Charles Méryon. Comme lui, il inscrivait dans la marge inférieure de ses estampes des commentaires véhéments. André Pieyre de Mandiargues fut impressionné par les gravures qu'effectua Le Maréchal d'après ses dessins d'Angleterre, notamment par sa Vue de Londres à partir de Picadilly-Circus, et considéra son art comme « un miroir à double face où se rencontrent aisément les extrêmes les moins conciliables ». Mandiargues affirma : « Le feu de l'inspiration la plus authentique-ment poétique traverse souvent ce remuant et gron-dant univers, à la façon d'une comète splendide. Le Maréchal a reçu évidemment le don d'une puissance imaginaire tellement hors du commun que l'on pei-nerait à lui donner sur ce plan-là plus de quelques égaux à l'époque actuelle. » Sa révolte contre les idoles du progrès, amenant la destruction de la nature, s'exprima en images si fortes que son exposition de mai 1968 chez Irma Salomon sembla l'illustration de l'esprit qui animait les étudiants dans leurs manifes-tations. Mais Le Maréchal, d'humeur sauvage, conti-nua à oeuvrer dans la solitude, laissant inachevés cer-tains de ses tableaux, comme s'ils n'étaient que les indications ou les traces de son immense aventure intérieure. En 1983, Le Maréchal fit une exposition chez Michèle Broutta, qui édita en 1987 Le Marécha/ . Catalogue de l'ceuvre gravé 1956-1986, se termilant par deux images de méditation bouddhique « à usacie occidental », représentant le mont Kailâsa, « mon-tagne aux dix mille noms, centre de tous les pays ». 

Jacques Le Maréchal

Né en 1928 à Paris. 

L'Imperceptibile Abîme, L'encre sur du papier, n.d.